Investissement ESG, où en sommes-nous exactement ?
posté le 27 avril 2022
La question est posée, et devient de plus en plus présente, tout particulièrement en matière de sujets ESG (Environnement, Social et Gouvernance).
Ce n’est un secret pour personne, la croissance des fonds ESG a été très importante depuis 2019 et la demande de la part des allocateurs pour ce type d’actifs ne semblent pas se tarir. Mais la composition de portefeuilles ESG vient avec un certain nombre de contraintes : non exposition à certaines industries dites polluantes (pétrole, ciment, etc), à certaines sociétés n’ayant pas un score ESG suffisamment élevé, et/ou à certains secteurs controversés (comme le tabac ou les armes). Détenir ce type d’entreprises dans les portefeuilles peut entrainer des frictions avec les donneurs d’ordre, qui de façon tout à fait légitime, ne veulent pas être vus comme investissant dans des fonds ESG qui, en réalité, n’en seraient pas. Par conséquent, dans cette première phase du développement de l’ESG dans l’industrie de la gestion de fonds, il est important d’être vu comme exemplaire et de ne surtout pas s’exposer à quelques critiques que ce soit. La risque d’être affublé de greenwashing est grand. Cela est compréhensible, certains acteurs du secteur ont d’ailleurs fait l’objet de violentes critiques comme, par exemple DWS en 2021.
Au-delà des exclusions, les fonds ESG pratiquent également le désinvestissement, c’est-à-dire que lorsque les critères ESG ne sont plus remplis, ou qu’il y a un changement dans le score ESG de l’entreprise, alors cette dernière a tendance à être sortie des portefeuilles, vendue, tout simplement. On peut d’ailleurs considérer qu’en ce faisant, le gestionnaire de fonds cherche à envoyer un message significatif à l’entreprise. Cela est le cas, surtout lorsque ce vendeur est un actionnaire historique de l’entreprise. Certains secteurs ont été touchés par ces désinvestissements, comme par exemple le tabac aux États-Unis, conduisant à une sous-performance boursière par rapport à la qualité des résultats financiers sur des périodes de plusieurs années. Une étude de cas menée par Wilshire Associates (qui en fait cherchait à militer contre les exclusions) a montré que lorsque CalPers a décidé de sortir du tabac en 2000, une longue période de sous-performance s’en est suivi pour ce secteur. Mais cette analyse montre également que ces sous-performances sont devenues telles que quelques années plus tard, le secteur est devenu une opportunité d’achat pour d’autres types investisseurs dans le marché.
Mais revenons sur le rôle très important des agences de notation ESG. Nous constatons que cette industrie est en pleine consolidation depuis un an ou deux, ce que nous voyons comme positif. En effet, trop de scores différents pour une même entreprise (une agence, un score) peut finalement être relativement contre-productif. Pourquoi se fier plutôt à l’un ou l’autre de ces scores ? Cette industrie est donc vouée à évoluer, à s’affiner. C’est pourquoi, pendant cette phase de maturation, une certain nombre de gérants ESG ont préféré créer leur propre modèle de notation ESG.
Parlons enfin de la régulation en Europe, SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) et la Taxonomie européenne. La recherche montre en effet que les fonds article 8 et article 9 de la réglementation SFDR ont un biais sectoriel important (avec des exclusions centrées sur certaines industries), permettant d’afficher des bilans carbone et humains de très bonne qualité.
Cependant, le risque est que progressivement les fonds dits ESG finissent par se ressembler de plus en plus et que leur performance devienne de plus en plus homogène.
Nous voyons par conséquent une deuxième phase dans l’évolution des fonds ESG, provenant de la nécessaire différenciation (au risque de se faire cannibaliser par les fonds ETFs, les fonds passifs), vers des stratégies investissant dans des entreprises en transition ESG, pas encore des best in class.
Cette évolution nous semble nécessaire pour plusieurs raisons : la première tient au fait que les valorisations de certains secteurs ou valeurs dites ESG winners deviennent de plus en plus élevées, certains parlent même de bulle. Ces valeurs sont très détenues dans les portefeuilles ESG (overcrowding) et par conséquent, un risque existe que cette bulle finisse par se dégonfler
La seconde raison tient à la nécessité d’avoir un impact, c’est-à-dire en tant que gestionnaire de fonds, d’essayer d’accompagner les entreprises de manière à ce qu’il y ait des améliorations sur les critères ESG. Nous sommes persuadés que des évolutions positives sur les critères extra-financiers sont créatrices de valeurs pour l’entreprise, ses salariés et par ricochet pour ses actionnaires. Il est certes plus simple d’exclure et de vendre, mais comme l’a montré le conflit Ukrainien, la réalité du terrain est bien plus complexe, et l’on peut se demander si par exemple exclure de façon systématique le pétrole des portefeuilles est la meilleure solution alors que nous aurons besoin de pétrole dans la phase de transition vers des énergies plus vertes. La question est posée de l’engagement actionnarial, nécessaire dans certains secteurs, pour accompagner les best in progress à évoluer positivement vers les best in class.
Chez CIAM, nous pensons que l’engagement actif et l’activisme sont aussi importants que les fonds ESG dits best in class ; que l’activisme responsable croise l’activisme ESG ; que l’activisme ESG est une évolution inéluctable et créatrice de valeur de la gestion ESG.
C’est là même la définition de l’activisme responsable.