Par Muriel Goldberg-Darmon, Docteur en Droit, Avocate Associée au cabinet Cohen & Gresser
La proposition de règlement européen portant sur les crypto-actifs a récemment été adoptée par le Conseil de l’Union européenne puis par la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. L’adoption prochaine de ce règlement par le Parlement européen, permettra d’instaurer rapidement un cadre juridique harmonisé au niveau européen en matière de crypto-actifs.
Actuellement, la plupart des crypto-actifs n’entrent pas dans le champ d’application de la législation européenne sur les services financiers et peu de pays membres de l’Union européenne ont légiféré spécifiquement en ce domaine. L’adoption du règlement sur les marchés de crypto-actifs, dit règlement « MiCA », a vocation à uniformiser la réglementation au niveau européen, tant en matière d’émission que de fourniture de services sur crypto-actifs. Le règlement MiCA permettra également de mieux protéger les consommateurs et d’éviter les systèmes frauduleux.
Une supervision obligatoire des prestataires de services sur crypto-actifs
Les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) auront dans toute l’Union européenne l’obligation d’obtenir un agrément aux fins d’exercer leurs activités. Notons que cette obligation pour les PSCA n’est pas surprenante : elle existe depuis longtemps pour les prestataires de services d’investissement qui, en vertu de la règlementation sur les marchés d’instruments financiers (MIF), ont l’obligation d’être agréés pour exercer leurs activités. Un tel agrément est d’ailleurs d’ores et déjà exigé en France concernant certains services portant sur des actifs numériques, dans le cadre du régime juridique des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) introduit par la loi Pacte en 2019.
Les PSCA devront respecter certaines exigences afin d’obtenir leur agrément. A ce titre, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a d’ores et déjà précisé dans un communiqué du 13 juillet 2022 que ces exigences sont proches de l’agrément optionnel du régime français. Une fois agréés, les prestataires pourront bénéficier du passeport européen pour fournir leurs services dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Cet agrément pourra porter sur les services sur crypto-actifs suivants : la conservation et l’administration de crypto-actifs pour le compte de tiers, l’exploitation d’une plate-forme de négociation de crypto-actifs, l’échange de crypto-actifs contre des fonds, l’échange de crypto-actifs contre d’autres crypto-actifs, l’exécution d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de tiers, le placement de crypto-actifs, la fourniture de services de transfert sur crypto-actifs pour le compte de tiers, la réception et la transmission d’ordres sur crypto-actifs pour le compte de tiers, la fourniture de conseils en crypto-actifs, et la fourniture de service de gestion de portefeuille en crypto-actifs.
Une protection de l’intégrité du marché des crypto-actifs
Le règlement MiCA inclura des règles de prévention et répression des abus de marché impliquant des crypto-actifs. Ces règles sont clairement inspirées de la réglementation européenne existante sur les abus de marché (MAR) qui vient sanctionner les abus de marché liés à des instruments financiers (ces derniers n’incluant pas les crypto-actifs).
A cet égard, ces règles s’appliqueront à toute transaction, tout ordre ou comportement en lien avec des crypto-actifs. Comme en matière d’instruments financiers, elles interdiront tant les opérations d’initiés (y compris leur tentative, recommandation ou incitation), que la manipulation de marché concernant des crypto-actifs.
Elles imposeront également aux émetteurs de crypto-actifs de divulguer dès que possible les informations privilégiées qui les concernent directement, ou le cas échéant, sous certaines conditions, de différer cette publication.
Un risque de multiplication des contentieux dans le secteur des crypto-actifs
A l’instar de la Securities and Exchange Commission, l’autorité de marché américaine, on peut s’attendre à ce que l’AMF exerce de manière accrue ses pouvoirs de surveillance et d’enquête ainsi que de sanctions. On peut également s’attendre à ce que les contentieux se multiplient sur des sujets aussi divers que le blanchiment, la fraude fiscale ou encore la corruption, qui nécessiteront sans aucun doute une coopération internationale entre les autorités des différents pays.
Compte tenu de l’impact des crypto-actifs sur l’écosystème financier, et eu égard à l’actualité récente en la matière avec la faillite de la plateforme FTX, il semble opportun que le règlement MiCA soit rapidement adopté. L’AMF a d’ailleurs indiqué, dans son communiqué du 13 juillet dernier, être favorable à une entrée en application rapide du règlement MiCA.
Le texte doit encore faire l’objet de la procédure d’adoption formelle et devrait entrer en application au plus tôt en 2024.
Avec mes vifs remerciements à Guillaume Guerin et Pierre Wolman, avocats au sein du cabinet Cohen & Gresser.